C'était une soirée comme les autres. Toi, Sully, une bouteille de sky et un paquet de blondes. Sully enchaînait indécemment les clopes tandis que toi, t'y touchais à peine du bout des lèvres. Sully était négligemment assis sur le canapé, presque allongé en réalité. Il était tout contre toi, trop proche, trop présent. Tu entendais jusqu'à son cœur battre dans sa poitrine. Douce mélodie. "Tu comptes te laisser pousser la barbe ?" te demanda Sully, un sourire taquin sur les lèvres en constatant ta barbe de trois jours. "Pourquoi ?" Son sourire s'élargit un peu plus et inconsciemment, il passa ses doigts sur ta mâchoire, t'arrachant un long frisson. Il ne devait pas se rendre compte de l'effet qu'il te procurait. "Ca te va pas si mal, en fait." Sully se mit à rire à gorge déployée et tu ne savais même pas s'il se moquait de toi ou bien si c'était simplement l'effet de l'alcool. Comme ta propre tête tournait un peu, tu préféras mettre ça sur le compte de la bouteille bien entamée. Sully resta à te regarder avec ses grands yeux noisettes. Des yeux surplombés de sourcils broussailleux qui t'avaient toujours attirés plus que la normale. En cet instant, tu te demandais pourquoi Sully n'avait jamais de copine. Pourquoi il ne présentait personne. Jamais tu ne l'avais vu accompagné. Il avait sans doute du avoir des aventures mais jamais il ne s'en vantait. Pourtant, les filles lui courraient après, beau comme il était. Tu ne pouvais que les comprendre, toi-même tu fondais devant ces douces pupilles. "Je peux essayer un truc ?" t'avait-il soudain demandé. Bien avant que tu puisses répondre, il s'était un peu redressé et avait frôlé tes lèvres. Il ne les avait pas embrassées, juste caressées avec les siennes. Tu fermas les yeux, emporté par ce doux contact. Puis, reprenant tes esprits, tu le repoussais vivement. Ce qu'il venait de faire n'était pas normal. Ce n'était pas juste 'un truc' à tes yeux. Et lorsque tu croisas son regard, tu compris qu'il ne blaguait pas non plus. Dans ses yeux, toute la malice avait disparu et tu ressentis sa déception lorsque tu t'éloignas de lui. "Tu délires, là." Voilà tout ce que tu as pu dire, ce soir-là. Sully hocha la tête et baissa les yeux pour regarder ses pieds. Il n'était pas vraiment gêné. Sully n'était jamais gêné. "Je suis bourré, surtout." Ça sonnait presque comme une excuse. Le lendemain, tu te présentais devant l'appartement de Sully, une grande nouvelle à annoncer. "Tu veux être mon garçon d'honneur ?" Sully préféra ne pas comprendre sur l'instant. La veille, vos lèvres avaient failli se sceller et voilà qu'aujourd'hui, tu lui annonçais ton mariage avec votre amie d'enfance. Cela lui paraissait tellement improbable. "Je n'aime pas les mariages." lança Sully sans grande conviction. C'était vrai. Il n'était pas du genre à croire aux mariages. "Merde, Sully. Il s'agit de Deb' et moi. T'es obligé de nous accompagner là-dedans." Sully haussa les épaules. Puis, feignant d'être heureux pour toi, il t'attrapa pour te serrer virilement dans ses bras. Deux mois plus tard, les cloches de l'église sonnaient. Sully ne fut pas le garçon d'honneur le plus souriant du monde. Il s'excusa même dès la fin du repas, rentra chez lui et joua de la batterie jusqu'à en avoir les paumes qui saignent.

T'as toujours su que Debra t'aimait. Mais d'un amour sincère, pas une simple histoire de flirt. Tu l'as lu dans ses yeux quand, à l'âge de sept ans, elle t'a attrapé la main à la sortie de l'école et t'a dit : "Tu ne m'abandonneras jamais, n'est-ce-pas ?" Ce jour-là, tu n'avais rien su répondre mais tu étais certain au fond de toi que tu serais incapable de l'abandonner. A l'époque, elle était déjà trop belle, trop autoritaire, trop enivrante. Les années passaient et toi, tu la voyais grandir, se métamorphoser. Elle est tellement jolie, Debra. Tellement intelligente. Tu ne peux que craquer face à tant de perfection. Pourtant, tu sais qu'elle n'est pas l'ange qu'elle laisse paraître. Tu sais qu'elle peut se montrer manipulatrice. Elle n'est pas aussi gentille qu'elle le dit. Mais Debra, tu l'aimes comme elle est, même avec son côté peste. Enfin, tu l'aimes... C'est un bien grand mot. T'as beau avoir passé l'alliance à son doigt, t'es pas certain de partager son amour. Tu l'apprécies, c'est sûr. Tu lui fais l'amour avec bonheur. Tu adores être à ses côtés. Pourtant, elle n'est pas Sully. Tu n'as pas cette attirance quasi animale envers elle. Tu te vois finir ta vie à ses côtés, mais tu sais que tu gâcherais sans doute tes chances de connaître le véritable amour. Alors, quand l'autre soir, Debra t'a lancé : "Je pense que Sully est amoureux de moi.", t'as failli t'étouffer avec ta propre salive. "Pardon ?" T'étais estomaqué qu'elle puisse penser une chose pareille. "Ecoute, c'est la seule raison valable que j'ai trouvé pour qu'il soit aussi excécrable depuis notre mariage." Tu n'as rien répondu. Oh, si la belle Debra savait. Si elle savait que ce n'est pas elle qui fait battre le coeur de Sully mais bel et bien son charmant mari. Elle comprendrait sans doute bien des choses et certains de tes comportements.