If someone else could take my place

   Le soleil tape drôlement fort pour une journée de printemps. Tu t’essuies le front d’un revers de main, tandis que l’autre s’évertue à tartiner une tranche de pain avec le reste de confiture que tu as trouvé au fond du frigo. Quelle idée d’être venue ici, en plein après-midi. Le parc est bondé, si bien qu’il te semble voir mille et un enfants vagabondant sur le terrain de jeu, criant à tout va et sautant un peu partout. Du coin de l’œil, tu vérifies que Laila est encore en vue. Bon point : lui avoir enfilé un t-shirt rose fuchsia au levé.
Une fois les tartines préparées, tu souffles un bon coup et t’adosses au tronc d’arbre derrière toi. Le temps aurait été merveilleux si tu avais passé la journée chez toi, au frais. Mais bien sûr, c’était sans compter sur la petite brune qui volait à présent sur une balançoire, essayant vainement de toucher les nuages du bout des pieds.
Tu t’offres un moment de sérénité en sortant d’un sac le livre que tu n’as pas encore réussi à finir. Tourner les pages devient difficile, une fois occupée à élever seule un enfant. Alors, en posant la tête contre l’écorce, tu savoures ce moment devenu si rare ces derniers temps.
Un cri te fait lever la tête quelques minutes plus tard. Tu reconnaîtrais cette voix au milieu d’une foule sans peine ; celle de ta petite fille, si maladroite, exactement comme toi. Scrutant la plaine, tu remarques une silhouette rose assise sur l’herbe, les mains serrées sur ses jambes trop blanches.
En la rejoignant, tu remarques son genou qui saigne, blessé par le plaisir de jouer. Tu soupires une nouvelle fois. Cela fait quelques années que tu n’emportes plus de trousses à nécessaire avec toi, elle t’a quitté en même temps que les couches pour bébé. Et pourtant, tu donnerais n’importe quoi pour avoir ce foutu désinfectant à ta portée.
Désespérée, tu arrêtes d’un geste une femme passant par là. Ses cheveux blonds virevoltent sur ses épaules droites. Elle te rappelle vaguement quelqu’un, sans que tu puisses néanmoins mettre un nom sur son visage poupin.
Excuse-moi, tu aurais un pansement ou quelque chose dans ce genre ? Ma fille s’est blessée. Encore. Un sourire, pour éviter de compter le nombre de fois que cette situation s'est imposée à toi. Être responsable avant tout, c'est ce qui compte, maintenant.